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Les mots dévorés

"Elle rêvait.


Elle rêvait qu'elle retrouvait les mots. Lentement, les uns après les autres. Elle les retrouvait dans la céramique, dans son journal intime, en parlant, en lisant. Ils avaient disparu de son univers pendant des années, sûre qu'elle était qu'ils ne servaient à rien. Peu à peu, ils s'étaient évanouis pour ne plus être que de vagues ombres dans son quotidien : rapports, listes de course, courriers administratifs. Presque toujours tapés sur l'ordinateur ou le téléphone.


Les mots l'avaient aussi désertée quand il s'agissait de parler d'elle-même. Il ne fallait pas chercher ses mots, les peser, mais dire vite, dire court et bien. Il fallait être efficace et économe. Alors, on utilisait les mêmes mots pour tout, le travail, l'école, la maison.


Le quotidien avait dévoré ses mots et ne restait plus dans sa bouche qu'une sensation sèche."

 

C'est important pour moi d'avoir retrouvé les mots, leur liberté, leur énergie, leur sens.


Pendant longtemps, je leur ai couru après, enfant d'avoir en dévorant des livres, adultes ensuite en tant que prof de français, les disséquant et les analysant. Et puis, en changeant de carrière et de langue (je travaille en anglais depuis plus de 20 ans), je les ai abandonnés, en pensant que leur utilité était derrière moi.


Ce que je veux dire, c'est qu'en chacun, il y a un élément qui est comme un fil rouge, présent tout au long de notre vie. Il faut parfois des circonstances, des détours, des mises en lumière pour s'en rendre compte. Pour moi, ce sont les mots. Les mots qui dansent, qui rient, qui charment. Les petits mots, les mots doux, même les gros mots.


Je les écris sans réfléchir. Bien souvent, ils ne forment pas d'histoire. Ils ont juste besoin de sortir, que je les sache couchés sur une feuille, afin de libérer leur pouvoir exutoire.


Pensez à trouver votre fil rouge et ne le quittez plus.


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